Lundi 11 Septembre 2017
Tirés du sommeil par le réveil, nous nous levons bien avant le début du jour. Il y a de cela trois mois, nous avions réservé un permis ($1.50 plus symbolique qu’autre chose) pour accéder au sommet du volcan Haleakala de nuit. C’est en prévision de cette excursion et pour minimiser les temps de trajet que nous avions choisi notre logement sur les hauteurs de Kula. Un lever de soleil, une randonnée exceptionnelle dans le cratère et une fin d’après-midi plus relax à la plage, sans vouloir trop en dévoiler, c’est probablement notre journée préférée sur Maui.
Nous voici donc sur la Haleakala Highway qui serpente jusqu’au sommet du volcan. Bien entendu, un ranger à la guérite d’entrée du parc contrôle notre laisser passer. Nous sommes donc de retour dans le :
La route s’élève et les températures chutent. Les panoramas que nous offrent les virages en épingle sont … inexistants, ben oui, c’est la nuit, il fait noir ! Environ 25 minutes avant l’heure théorique de lever du soleil, nous arrivons au parking sommital où un placeur nous indique les places libres. A notre grande surprise, elles sont bien peu nombreuses. Nous savions bien que ce lever de soleil était populaire – après tout, il est considéré comme l’un des plus spectaculaires du monde – mais nous allons pouvoir mesurer à quel point.
Une très courte marche nous amène sur les bords du cratère, qui n’en est d’ailleurs pas un mais nous y reviendrons plus tard. Nous observons avec surprise deux rangées de photographes et spectateurs déjà présentes. On a un peu de mal à trouver une place. Finalement, on se met en deuxième rideau derrière une famille américaine, qui finalement proposera d’eux même de partager l’espace pour prendre de plus beaux clichés, joli geste car ils étaient arrivés bien avant nous. Nous avons bien fait de nous habiller chaudement, au sommet à 3055 mètres au-dessus du niveau de la mer, il ne fait pas chaud. Une fois la logistique réglée, on peut commencer à apprécier le spectacle.
A l’horizon, au-dessus de la vallée que nous distinguons à peine, par-delà un véritable océan de nuage, le ciel commence à s’éclaircir. Un point de lumière intense apparaît alors, tel un phare surplombant la mer nuageuse, et l’astre solaire émerge pendant qu’en quelques endroits de la rive un puissant chant hawaiien retentit chantés par quelques locaux. Quel spectacle !
Nous n’aurions pu choisir meilleur place pour commencer la journée. Ce n’est vraisemblablement pas un hasard si dans la langue des îles, Haleakala signifie maison du soleil. C’est là que selon la mythologie hawaiienne, le demi-dieu Maui est venu emprisonner l’astre pour lui demander de ralentir sa course et donner plus de lumière aux hommes. A mesure que l’étoile se dévoile, nous regardons ses rayons embraser sa demeure. Les paysages qui s’étalent devant nous sont assez incroyables. Rapidement, l’auditoire se vide et nous récupérons un banc pour prendre notre petit déjeuner. Petit tour au visitor center pour acheter quelques souvenirs et discuter avec les rangers et nous reprenons également la voiture.
Après de tels sommets de beauté, la redescente est assez courte. Lors de mes recherches assidues pour visiter au mieux le parc, une randonnée précise m’avait mis l’eau à la bouche. Cette marche (assez longue) permet de descendre du sommet via le Sliding Sands Trail au sein du pseudo-cratère du volcan, puis de se balader au milieu des cônes volcaniques, pour remonter en suivant le Halemau’u trail. Le point un peu délicat de cet itinéraire est qu’il nécessite de rallier le sommet du volcan depuis le parking du Halemau’u trailhead. Fort heureusement, le parc a mis en place une aire d’autostop afin d’amorcer cette boucle. Nous voici donc, dès potron minet à effectuer une gymnastique digitale afin d’attirer l’attention d’un bon samaritain. Pour nous occuper, nous avons au choix, la vue plongeante sur tout l’ouest de l’île (on comprend bien la forme de l’ile avec ses deux volcans se faisant face et une vallée isthme les séparant) ou une paire de néné, cette espèce d’oie que l’on ne trouve que sur l’archipel.
L’attente est relativement courte. Un pick up s’arrête. Le conducteur est l’un des techniciens travaillant dans un des observatoires qui profite des cieux clairs au sommet du volcan. Nous nous retrouvons dans la benne, cheveux aux vents (enfin surtout Hélène), à remonter une seconde fois vers le visitor center. Notre bienfaiteur nous y dépose en nous encourageant pour la suite de la journée. Petits étirements pour s’échauffer et c’est parti.
Nous descendons sur ce sentier sablonneux, entrant dans un univers minéral totalement incroyable. Derrière nous, les silhouettes futuristes des télescopes se dressent. A l’opposée, le panorama maintenant éclairé est incroyable. Le Haleakala est un volcan bouclier, c’est-à-dire un vaste dôme conique. Le cratère originel était situé à environ 4500 mètres d’altitude. L’érosion et le poids du volcan ont eu raison de son existence. Ce sont les deux vallées formées par les éléments sur ce vestige qui s’étalent devant nous. Elles sont parsemées de 14 cônes de cendres (ou pu’u) qui pullulent tels des boutons d’acné sur un tapis de lave.
La descente est composée de larges épingles. Nous croisons très peu de monde qui l’entreprend. Il faut dire qu’à cet altitude, l’oxygène se raréfie un peu (pensez à bien s’hydrater pour combattre le mal des montagnes). Vivant en altitude toute l’année, ce problème ne nous touche pas trop. Les paysages sont lunaires en ce début de marche, la végétation est très clairsemée. Les couleurs des sables et roches sur lesquels nous progressons sont étonnement très variés. Rien que le début de cette marche est exceptionnelle, de nombreux visiteurs choisissent de n’effectuer que cette partie avant de rebrousser chemin vers le parking. C’est déjà un excellent choix.
Rapidement, nous arrivons au niveau du Ka Lu’u o ka O’o, le premier des cônes de cendre. Sa formation par des fontaines de lave sous pression explique son relief et ses couleurs irréelles. Plus élevé mais aussi plus sombre, Pu’u O Pele suit rapidement après. C’est un peu comme si chaque cône avait sa propre personnalité, sombre ou exubérante. Soucieux de préserver nos forces pour ce qui s’annonce comme une longue journée, nous choisissons de ne pas effectuer le détour pour monter tout in haut de ch’terril des îles. A cette altitude, les abords des sentiers sont nus, pratiquement sans aucune végétation.
Après avoir surplombé le fond de la vallée pendant toute cette première partie de la randonnée, nous arrivons à son niveau. Si la flore se fait un peu plus présente, elle reste cantonnée au ras du sol. On traverse néanmoins un champ … de ce qui a poussé en quantité ici : la lave. Des blocs déchiquetés semblent déposer avec minutie sur le sable noir, comme pour une exposition d’art contemporain. Après les rouges reliefs martiens, place donc aux sombres plaines lunaires. Ici encore, la solitude et le décharnement des éléments nous transportent bien loin des tropiques.
Vous reprendrez bien un peu de cônes de cendres aux noms imprononçables ? Kama’oli’i, Pu’u O Maui, Ka Moa o Pele, Halali’i, le sentier nous donne l’occasion de manipuler un peu plus la langue hawaiienne en slalomant entre ces reliefs. Le chemin nous offre bien quelques collines à gravir mais cela reste bien modéré. On en prend plein les yeux, on reste sans voix. D’ailleurs je me tais.
Nous arrivons au deuxième embranchement de notre périple en quittant le Sliding sands trail pour rejoindre le Halemau’u trail. A mesure que l’on descend, les nuages s’élèvent et rapidement nous plongeons dans un océan duveteux. On ne voit plus à 100 mètres, aucun bruit autre que nos pas ne troublent ce paradis engourdis. La cendre sombre, les roches magmatiques déchiquetées contrastent avec l’atmosphère blanche qui nous emmitoufle. Nous sommes sur une autre planète, irréelle et cotonneuse et la seule chose qui nous ramène à la réalité est, après 3 heures de marche, l’odeur qui s’échappe de nos aisselles.
Etant privé des paysages époustouflants du volcan, nous nous concentrons sur le bout de nos pieds et sur les plantes qui reprennent leurs droits sur ces terres arides. La plus étonnante est la Silversword ou sabre d’argent – nom étrange qui vient de sa forme caractéristique lorsqu’en fleur. Cette plante endémique, cousine de notre edelweiss alpine, ne pousse qu’en altitude sur les volcans hawai’ien (et ça tombe bien, c’est où nous sommes). Pratiquement exterminée lors des années 20 par le bétail et les chèvres qui pullulaient sur les flancs du volcan, la plante est aujourd’hui florissante dans son sanctuaire du parc national (jusqu’à ce que le changement climatique mette fin à son existence ?). Ces espèces de boules de plantes semblables à des plantes grasses se parent une unique fois dans leur vie d’une longue tige garnie de fleurs avant de mourir. Beau couronnement d’une existence qui peut aller jusqu’à 50 ans. Surprenant jardin botanique au milieu des cendres ou de la lave sans vie.
Surgissant de la brume tandis que nous sortons du plancher nuageux, la cabine de Holua semble un parfait refuge pour notre pause revigorante. Ce refuge et un camping un peu plus loin permettent également aux plus aventureux de passer la nuit au cœur du volcan. Pour notre part, pas question de planter la tente mais nous utiliseront néanmoins une table de piquenique pour nous sustenter. Quelques habitants des lieux viennent alors à notre rencontre.
Les nénés sont une espèce d’oie, probablement issue d’oies du Canada, qui ayant migré de manière pérenne sur les îles hawaiiennes, se sont adaptées aux environnements d’altitude des volcans. Plus rare oie du monde, les nénés sont passées proches de l’extinction dans les années puisque ne subsistaient qu’environ 25 paires de nénés. Alors que nous commençons notre déjeuner, nous découvrons autour de nous une dizaine d’oiseaux. Ils se rapprochent et nous observent un peu, puis cancanent avec virulence. On se croirait dans un film d’Hitchcock et on commence à flipper un peu. Heureusement, pas d’attaque, les animaux se désintéresseront vite de nous avant de nettoyer les vestiges de notre festin dès que nous aurons les dos tournés.
L’estomac rassasié, nous reprenons la route par la traversée d’une petite vallée. La végétation d’arbustes et de hautes herbes est maintenant prononcée. Comme cette verdure contraste avec l’aridité et les couleurs surréelles du début de journée. Le dénivelé va également connaitre un beau bouleversement. Alors que jusqu’ici nous n’avons rencontré que descente et plat, il va bien falloir s’atteler à la remonter. Justement, devant nous, de larges épingles se dessinent sur les flancs de la montagne. Alors que nous approchons de sa base, nous croisons quelques randonneurs qui terminent la descente en sens inverse. Ce sont les premières âmes que nous rencontrons dans le cratère. Ils nous adressent des encouragements alors que nous entamons les lacets.
La progression est soutenue mais bien équilibrée. Le chemin est sécurisant, d’une qualité irréprochable et nous ménageons nos efforts tandis que s’éloignent de plus en plus la base du cratère. Cela nous permet de nous rendre compte d’en haut de l’aspect des paysages traversés depuis la pause repas. Même si tout ceci est moins spectaculaire que le haut du volcan, le plafond nuageux bas que nous traversons donne un aspect mystique à la marche. Comme si nous émergions d’un monde de songe et que rien de ce que nous avons découvert depuis la matinée n’avait été réel.
Tout au long de la montée, nous retrouvons une végétation un peu plus tropicale. En traversant la brume, l’air est chargé d’humidité. Ce climat doit être assez commun à ces altitudes comme en attestent la flore beaucoup plus exubérante qui tapisse les murs que nous longeons. Lichens, fougères écarlates et petits arbres ont remplacés les silversword et les champs de laves. Les pierres noires que nous piétinons ne laissent pour autant aucun doute quant à la formation de ces reliefs par le volcan.
Nous entamons, fiers comme Harpagon le dernier kilomètre de notre périple. Nous croisons pas mal de visiteurs qui entament la conversation en demandant d’où nous venons. Les félicitations sont unanimes et font chaud au cœur !
Nous aurons mis au final 6h30 (avec une belle pause repas et énormément d’arrêt photos) pour effectuer les 18 kilomètres, 700 mètres de montée et 1250 mètres de descente. Cette randonnée est une tuerie intersidérale. Tout ce que nous avons vu aujourd’hui est à couper le souffle de beauté, de surprises, de grandeurs. C’est vraiment une expérience unique et incroyable que nous avons vécu. Et ceci, sans pratiquement ne croiser personne. Au final, si ce n’est la longueur, nous n’avons pas vraiment rencontré de difficulté. Il faut prévoir de grosses quantités d’eau, de bonnes chaussures et des protections pour le soleil car toute la première partie est totalement à découvert. Avec le recul, si j’ai un petit regret, c’est de ne pas avoir plus marché au niveau des cônes de cendres en faisant quelques détours. Nous aurions pu aisément rajouter 2-3 kilomètres (surtout qu’ils sont pratiquement plats) pour nous immerger un peu plus profondément au cœur du cratère. Mais c’est vraiment pour chipoter.
Nous posons devant le descriptifs de la randonnée, encore heureux et estomaqués par ce que nous venons de vivre. Celle-là, nous ne sommes pas prêts de l’oublier !
Nous redescendons du volcan pour nous reposer une petite demi-heure dans notre AirBnb. Mais la trêve est de courte durée puisque nous décidons de faire une pierre deux coups en détendant un peu nos jambes mises à rude épreuve et à nous dessaler la peau de toute la transpiration émise en nous baignant dans l’océan. Nous nous dirigeons vers la côte sud de l’île, par-delà le centre touristique de Kihei. C’est un tout autre univers que nous traversons alors. Centres commerciaux, hôtels de luxe, larges complexes résidentiels, cela ne ressemble à peu près à rien de ce que nous avons vu pour le moment sur Maui. Beaucoup moins enthousiasmant. Ceci dit, la plage que j’ai dénichée dans Maui Revealed est un peu protégée de l’urbanisme. Po‘olenalena beach est une plage de sable jaune d’environ 500 mètres de longs bornés par trois coulées de lave qui s’enfoncent dans la mer comme autant de jetée naturelles. Si dans un premier temps, on se contente de profiter de la douche chaleur de l’océan, l’envie d’explorer reprend rapidement le dessus. Nous nous équipons du matériel adéquat et partons explorer les fonds marins le long des roches volcaniques.
En plus d’une belle variété de coraux en bonne santé, de nombreux poissons vivent dans les recoins de la lave figée. Des jaunes, des bleus, des bariolés, on passe un moment à les observer. Tout à coup, mon regard est attiré par un rocher lisse au fond de l’eau. Il ne faut pas longtemps pour que le rocher en question prenne un coup de bougeotte et se mettent à nager. Cette fois-ci, c’est sous l’eau que nous avons l’occasion d’observer une tortue marine. J’attire Hélène à grand signe tout en suivant à distance respectueuse le reptile. L’animal vole dans l’eau avec grâce. C’est magique, comme si la journée n’avait pas été assez riche en émotion ! Nous restons un moment à observer le spectacle auquel malheureusement, les photos ne rendent pas vraiment justice. Problème de réglage, le flash de l’appareil aquatique se déclenchant automatiquement, les grains de sable en suspension dans l’eau brillent devant l’objectif. Nous réglerons les soucis sur nos sorties suivantes. Après trois bons quarts d’heures de snorkeling, nous rejoignons le sable, fatigués mais heureux d’une telle journée.
Hélène fait quelques photos de la plage pendant que j’explore le littoral en direction du nord en dépassant les pierres volcaniques. Je ferais assez rapidement demi-tour en constatant que cette partie un peu protégée des lieux a un règlement un peu différent. Il semble que le maillot de bain ne soit pas spécialement de rigueur ici. Après avoir débuté la journée par un lever de soleil, il semble que j’ai eu l’occasion de voir quelques lunes …
Enchantés mais fatigués par une journée longue et sportive, nous choisissons de regagner nos pénates sans attendre le coucher du soleil. Un repas consistant cuisiné dans notre logement nous permet de reconstituer nos réserver avant d’aller de bonne heure au lit. Le lendemain, un réveil bien matinal nous attend encore. Vacanciers, quelle profession épuisante !