Trip à Kanab(bis) : Aventure aux White Domes

Jeudi 01 juin 2017

Nous avions une envie pressante de découvrir le WC – le water canyon – et le plateau des Canaan Mountains qui le surplombe. Cette excursion nécessite une randonnée assez exigeante alliant équilibre, endurance et navigation : bref, c’est l’aventure !

Pour aujourd’hui, la famille est séparée. Les parents d’Hélène, son frère et la meuf à son frère passeront la journée à Zion pour gravir Observation Point après avoir tenté leur chance à la terrible loterie de The Wave à Kanab. De notre côté, nous nous dirigeons vers Hillsdale à environ 45 minutes à l’ouest de Kanab. La route entre les deux villes est en travaux, ouverte dans un seul sens. Une voiturette de golfe conduite par un ouvrier ouvre la voie aux convois de véhicules dans un sens puis dans l’autre. Surprenant quand on n’est pas habitué. Alors que nous suivons notre lièvre la grosse nouvelle tombe : Dame Chance a été généreuse et le reste de la famille visitera donc The Wave demain. Génial !

On est encore enthousiasmé pour eux lorsque l’on s’engage sur une piste de bonne qualité qui nous mène jusqu’au départ de la randonnée. Un petit étang borde les emplacements vides. Un toilette est en construction (probablement fini aujourd’hui) au départ. On se charge de liquides : 3.5 litres d’eau et 1 bouteille de Gatorade pour moi, 2.5 L + 1 Coca pour Hélène. En prévision du retour, on cache une gourde supplémentaire dans l’ombre de la voiture, en espérant que sa fraicheur sera un peu préservée. C’est parti pour une dizaine de kilomètres et 650 mètres de dénivelés … enfin si on se perd pas 😀

Facile et plat sur le papier.

On démarre en douceur par un chemin aplati le long d’une rivière bucolique. Les deux falaises qui entourent le Water Canyon sont d’un rouge vermillon. Elles ne sont pas sans rappeler les paysages de Zion au niveau géologique. Après tout, nous ne sommes qu’à quelques kilomètres du parc à vol d’oiseau. Le chemin est sablonneux par moment, c’est parfait pour s’échauffer un peu les mollets.

L’entrée du WC.

Alors que nous avançons d’un bon pas, nous croisons une poignée d’enfants qui cheminent en sens inverse. Ils semblent sortis d’un épisode de la petite maison dans la prairie : longs pantalons et chemises à carreaux aux longues manches pour les boys, interminables robes de coton jusqu’aux chevilles et cheveux relevés en chignon pour les demoiselles. Il faut savoir que Hillsdale est le lieu de résidence de l’une des principales communautés mormones fondamentalistes polygames. Nous venons d’en croiser quelques membres. Ils n’ont pas vraiment l’habitude des visiteurs et pour ne pas trop les déranger, j’ai lu à plusieurs reprises qu’il est préférable de faire cette randonnée en semaine. On essaie de ne pas trop les scruter en détournant le regard vers les belles falaises qui nous cernent.

En ces lieux spirituels, on se tourne vers le ciel.

Au bout de trois quart d’heure, les murs du canyon sont vraiment rapprochés et leurs parois ont été complètement lissées par l’érosion. Le monde est ici géométrique, cubiste. Les arrêtes sont acérées, les courbes rectilignes et les fissurent emprisonnent les flots impétueux du torrent. Quelques plantes fleuries s’accrochent on ne sait trop comment sur ces murs humides.

Étroit purgatoire entre eau et pierre.

Les jardins suspendus de Babylone.

Water Canyon, George Braque.

Into the crack.

Le premier passage périlleux se présente devant nous. Il s’agit d’une petite cascade à escalader en prenant appuis sur la roche humide. Si l’eau lui donne un air particulièrement glissant, dans les faits, on s’en sort facilement en prenant notre temps et en assurant bien nos appuis. Ce sera un peu plus compliqué à la redescente où il faut se laisser glisser dans l’eau. Il nous faut ensuite poursuivre l’ascension en passant sur une petite corniche qui longe les pitons rocheux. Si ça peut paraitre impressionnant en image, on n’a pas vraiment ressenti d’appréhensions sur le moment. On reste tout le temps à distance raisonnable du vide.

L’eau descend, nous on monte.

Un peu dubitatif sur le chemin à emprunter.

On quitte le plancher des vaches.

On gagne rapidement beaucoup d’altitude. Le sentier n’est pas toujours bien défini et l’on se demande parfois où il faut passer. Ce n’est pas tant que l’on risque de se perdre mais il faut trouver le passage le moins risqué et le plus efficace. C’est autant une gymnastique mentale que physique. Si ces quelques obstacles demandent un peu de concentration, la plupart du temps c’est tout de même un chemin classique que nous escaladons. Tout au long de notre montée, nous ne croiserons qu’un autre groupe lourdement équipé. Avec leurs cordes et leurs baudriers, il est clair qu’ils vont descendre le canyon que nous voyons en contrebas. C’est un spot bien connu pour les débutants. Quelques traces des groupes précédents constituent d’ailleurs autant de fausses pistes qui ralentissent un peu notre progression. A noter un petit pas d’escalade à effectuer sur une corniche à mi-distance entre la rivière et la rebord du canyon.

Dans le labyrinthe à la recherche du fil d’Ariane.

A mi-chemin.

Au fur et à mesure que l’on se rapproche du sommet, de Top Rock, on commence à distinguer le plateau de l’autre côté du canyon. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est prometteur, les larges étendues de sandstones colorés semblent parsemées de pyramides rocheuses. Il nous aura fallu une heure pour gravir les 400 mètres de dénivelés qui nous séparent de la rivière. Un tronc d’arbre judicieusement allongé nous permet de faire une pause salutaire. On en profite pour prendre en photo la fin du sentier histoire de le retrouver à la descente. A partir de maintenant, comme on dit à Bastia, l’aventure se corse. Il n’y a plus trop de trace à suivre.

Chapeaux pointus, turlututus.

Au sommet des Canaan Mountains

La fin de la montée, le début des ennuis …

D’où nous sommes, nous apercevons au loin les dômes blancs buts de notre périple. J’avais bien lu que le chemin est assez difficile à trouver, et je suis assez surpris de voir des morceaux de ruban rose fluo qui indique la direction à suivre en longeant la falaise. Mauvaise idée … Il nous faudra une demi-heure pour nous rendre compte que nous nous éloignons de la terre promise. On cherche une petite colline pour prendre un peu de hauteur histoire de reprendre un cap.

White Domes à l’horizon !

S’il nous semble possible de couper pour rejoindre le chemin officiel, cela ne sera de toute évidence pas facile. Nous voici donc embarqués pour une quarantaine de minutes de marche à travers les broussailles. Une descente relativement pentue nous sépare encore du wash qui devrait nous mener au pied des White Domes. Nous naviguons en prenant notre temps pour ne pas prendre de risques, en formant de grands zigzags pour essayer d’atténuer au maximum les reliefs empruntés. Enfin, on arrive à l’entrée de la rampe finale, au milieu d’un petit cours d’eau asséché. Nous avons perdu un peu plus d’une heure dans la bataille et nous nous sommes rajoutés quelques kilomètres de randonnées sur un terrain difficile. Peu importe, on distingue maintenant bien les monticules de grès blancs qui nous surplombent.

On se rapproche !

Les esprits les plus observateurs auront remarqués la couleur du ciel sur la photo précédente. Les nuages gris se sont amoncelés à une vitesse surprenante. Alors que nous sommes à peu près au milieu de l’ascension vers les dômes, les premières gouttes se mettent à tomber et le tonnerre retentit. On ne perd pas vraiment de temps et au pas de courses, on s’extirpe du vallon où l’on cheminait. Des petites rivières commencent déjà à converger en son sein. Alors que la pluie redouble, on trouve un abri à la fois protégé de l’eau et probablement des éclairs (on est loin d’être au point le plus haut). Un arbre à moitié couché nous sert de refuge, je déplace quelques grosses branches et des troncs afin de nous constituer un semblant de toit.

Je suis prêt pour Koh Lanta.

On mange un petit peu en regardant tomber la pluie. On se rationne toutefois, on ne sait pas trop combien de temps l’orage va durer. Je commence à calculer le temps qu’il nous faudrait pour redescendre par Squirell Canyon, un chemin parallèle à Water Canyon, plus long mais beaucoup moins escarpé. On en vient même à se demander si on pourrait passer la nuit coincés sur le plateau, au cas où des crues éclaires se formeraient. Le contenu de nos sacs nous rassure sur cette éventualité, on est généralement assez bien équipés quand on part en rando. Bon, heureusement, l’orage ne dure pas plus de trente minutes. Le ciel se dégage rapidement alors on prend la décision de finir la randonnée. Tout est tellement sec que l’eau s’est directement infiltrée dans les sols, le sandstone n’est même pas glissant. On a bien angoissé quand même !

Après la pluie, le beau temps …

La dernière partie du voyage se déroule directement sur les collines de grès solidifiés. C’est assez pentu et torturé. Il faut parfois faire attention de ne pas poser pied sur des parties friables pour ne pas perdre pied ni détériorer les reliefs. Il n’y a à ce moment plus aucune marque pour indiquer le chemin, néanmoins, les White Domes sont continuellement à vue et la navigation n’a plus rien de compliquée. Il nous faut une vingtaine de minutes depuis notre abri de fortune pour rejoindre les dômes. Dire qu’angoissés par l’orage, on s’est demandé si cela valait vraiment le coup de continuer jusqu’au bout !

L’ombre et les nuages s’éloignent petit à petit.

On est vraiment précautionneux pour ne pas abîmer les sols.

Et si on allait aux buttes ?

5 heures après le départ du parking, on boucle notre périple en touchant au but. Franchement, l’effort a été important mais cela en vaut largement le coup. Alors que jusqu’ici nous avons parcouru un monde de roches rouges, on passe dans un univers de blancs seulement troublé par quelques lignes dorées. Les couleurs, la pureté des lignes, les perspectives et mouvements de la roche sont littéralement émouvants. Une atmosphère vraiment zen se dégage du lieu, rehaussée par un silence troublé seulement par nos pas qui résonnent.

Enfin ! Ils sont là.

Modèle empilage de pancakes pas trop cuits.

Ou modèle paire de loches.

Même la position des arbres a été étudiée.

White Domes ou comment rendre le mouvement immobile.

On prend le temps de faire le tour du site, de l’observer sous toutes les coutures. Dans le lointain, par-delà le plateau, on aperçoit les belles falaises de Zion de l’autre côté de la vallée. Les nuages noirs laissent présager d’un bel orage, ce qui nous sera confirmé par la famille d’Hélène. En passant entre les buttes blanches, on retrouve la forme familière d’une vague. On comprend vraiment pourquoi le site est aussi surnommé The White Wave.

Orage sur Zion.

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La vague blanche.

Nous passerons une trentaine de minute à prendre des clichés et à savourer ce lieu exceptionnel. Nous avons de la chance d’avoir une belle lumière et un beau ciel bleu qui met encore plus en avant les couleurs de la roche. L’érosion et la géologie nous ont, une fois de plus dans cette région, offert un spectacle extraordinaire. On se surprend à parler de revenir en camping itinérant histoire de profiter des levers et des couchers de soleil qui doivent embraser cette toile blanche avec des gouaches chatoyantes. On ne doit pas être les premiers à avoir cette idée, dans notre course poursuite contre la pluie, nous avons croisé quelques traces de campements.

Quelques traces jaunes, faut vérifier si il n’y a pas un dégât des eaux.

Magnifique, on achète quand même.

C’est légèrement à regret que nous entamons la descente. Moins omnubilés par les dômes, on prend le temps d’observer les alentours. C’est amusant de constater que le grès orangés aux couleurs si douces, si rondes, sont contrariés par de multiples failles, des strates beaucoup plus rectilignes.

Hélène a trouvé ses fleurs, la journée est sauvée.

Escaliers.

Je te le dis sans faille, reste cool baby sinon j’te dirais bye bye !

Sur le retour, nous découvrons donc l’accès classique aux White Domes. C’est assez sablonneux, le chemin passe au milieu d’un wash, puis à travers d’une petite forêt de pin sur une colline. Beaucoup moins marrant que par où nous sommes passés ! Finalement, on a bien fait de se perdre.

Heureusement quand même que nous avions pris une photographie de l’endroit à partir duquel il faut s’engager dans le canyon.  La descente se passe étonnement assez facilement. Bien sûr, on n’hésite pas à poser les fesses et à se mouiller un peu les pieds en atteignant la rivière mais globalement, on ne s’est jamais senti en danger.

Retour dans le WC.

Au final, on n’est pas mécontent de se retrouver dans la fraicheur relative de Water Canyon. On en profite pour prendre un peu notre temps au bord de la rivière et observer la gigantesque arche qui nous surplombe. Se détachant en rebord de falaise, elle est assez spectaculaire vu d’en bas.

Water Canyon Arch

Dernier regard après une longue journée sur les sentiers.

Nous terminons nos boissons en même temps que la randonnée, après environ 7h30 sur les pistes. Heureusement, notre réserve secrète et fraiche d’eau nous attend sagement sous la voiture.  Avec notre petit détour, difficile de déterminer exactement quelle distance nous avons parcourus au total.

Autant le dire tout de suite, cette journée a été exceptionnelle, probablement celle que j’ai préféré dans la région (et je ne dis pas ça parce que mes beaux-parents n’étaient pas là 😉 ) . Si The Wave est assez irréel dans son genre, il lui manque peut-être ce côté aventureux qui nous a tant plus aujourd’hui.

Tout ce qui fait l’intérêt de l’Utah se trouve condensé dans cette excursion. La randonnée est intense sans être harassante. Évidemment, l’ascension du canyon est assez violente mais l’effort est somme toute plutôt bref. Le cheminement sur le plateau des Canaan Mountains est magnifique, sauvage et enfin, que dire des White Domes … Les photos parlent d’elle mêmes.

Testés, approuvés et chaleureusement recommandés.

On finit donc la journée lessivée mais ravis devant cette incursion dans le wilderness.  Évidemment, il va être difficile de faire mieux demain mais la Cottonwood Road et Yellowrock ont des arguments à faire entendre !

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