Trip à Kanab(bis) : Se mettre à la Page

Mercredi 31 mai 2017

Autant le dire franchement, la journée qui va suivre n’est pas celle qui m’enthousiasmait le plus dans ce road trip statique. Au programme, la visite des Antelope Canyons, trempette dans le Lake Powell, session vertigineuse a Horseshoe Bend et une courte marche orageuse à Toadstoll Hoodoos.

Nous avons réservé une des premières excursions de la journée pour Lower Antelope Canyon, un canyon en fente aux murs orangés dont vous avez forcément déjà vu des photos. La réservation a été effectuée à l’avance auprès de Dixie Ellis, une des deux compagnies qui font visiter le canyon. Il faut savoir qu’il est situé sur la propriété d’une famille d’indien Navajo et que son accès ne peut se faire qu’avec des guides. Il nous aura coûté 25$ par personne pour environ une heure de visite, mais je sais que les tarifs ont augmentés depuis notre visite.

L’avantage d’avoir rendez-vous à 8h10 à Page, c’est que nous pouvons partir à 8h00 de Kanab. En effet, on perd une heure entre l’Utah et l’Arizona. Lorsque nous arrivons à la guérite de Dixie, deux cars de touristes chinois viennent de décharger leur cargaison. Il y a déjà foule devant la ligne de toilette de chantiers présents sur le parking, tout cela n’est pas très engageant. Nous nous acquittons de 8 dollars par personne en liquide, péage auprès de la nation Navajo avant d’être dirigé vers des bancs à l’ombre où nous attendons notre guide.

Un jeune homme Navajo bien sympathique (dont j’ai oublié le prénom) nous est assigné et conduit notre groupe d’une douzaine de personnes vers l’entrée du canyon. La courte marche d’approche d’une dizaine de minutes dans le sable nous amène vers un abri métallique salvateur en pleine chaleur. La queue est déjà grande pour attendre les escaliers d’accès et l’ombre est bien salutaire pour patienter.

A A A la queue leu leu !

 

Nous attendons une vingtaine de minute avant de descendre les marches métalliques qui permettent de s’enfoncer dans la terre. Dès les premiers mètres, ce qui me frappe, c’est l’aspect lisse et presque trop propre des murs. On dirait presque un décor de carton-pâte. Le guide aide ceux qui le désirent avec les réglages des appareils photos et c’est parti pour la visite.

Malgré le monde qui visite en même temps que nous, l’impression de foule est modérée. Le guide fait de son mieux pour isoler le groupe, modulant la vitesse pour ne pas rattraper nos prédécesseurs et ne pas se faire rejoindre par nos successeurs. Au final, c’est moins pire que ce que je redoutais. Les photographes ont plutôt tendance à tendre leurs objectifs vers le haut. Il faut dire que les reflets et les jeux de lumières créés par le soleil sur les parois sinueuses sont beaux. Peut-être même plus sur les photos qu’à l’œil nu d’ailleurs.

Nous avons de la chance de bénéficier de conditions optimales. Dans un canyon creusé par l’action des eaux des crues éclairs, les navajos ne prennent plus aucun risque avec les touristes en cas de mauvaise météo depuis l’accident de 1997 qui coûta la vie à 7 visiteurs. De solides échelles (courtes) sont directement enchâssées dans la roche permettent de cheminer dans les quelques centaines de mètres du canyon.

Il faut bien avouer que les formes du canyon sont étonnantes, son étroitesse, la couleur pure et chaude du grès, son grain caractéristique rendent les lieux assez exceptionnels. C’est beaucoup plus propre que les autres slots canyons, plus sauvages, que nous avons déjà visité. On se sent plus dans une attraction humaine que dans un site naturel. Le fait de ne pas pouvoir avancer à son rythme, de ne pas devoir « mériter » physiquement ce que l’on voit me laisse un peu dubitatif. C’est un lieu probablement envoutant pour les photographes (jouer avec les lumières, trouves les compositions originales) mais en tant que promeneur, je reste un peu sur ma faim.

Notre guide nous laisse profiter des lieux sans trop nous abrutir d’explications ou d’anecdotes, j’apprécie assez. Il a une flûte dans une sorte de carquois qu’il dégaine pour meubler les quelques temps morts, c’est très joli et agréable. Il nous pointe aussi les roches aux formes évocatrices : ici un profil d’aigle, ici une arche, ici une princesse indienne, cheveux au vent. Il nous expliquera enfin la formation du canyon à l’aide d’une petite expérience combinant eau et sable, assez amusant.

L’arche d’alliance, vive les mariés.

Un aigle, ou une buse, ou un faucon, ou un vrai.

Cheveux aux vents.

La visite s’achève après environ une heure dans les entrailles de la terre. On s’extrait du Hazdistazí selon le nom navajo du canyon par une étroite fissure directement dans le sol. Nous ne sommes qu’à quelques mètres du parking. Après avoir salué notre guide (et avoir remercié sa gentillesse d’un petit pourboire), on rejoint rapidement la voiture pour poursuivre la journée.

Retour à la surface avec une nouvelle casquette !

La route ne nous mène pas bien loin. Nous arrivons sur l’immense parking qui sert de camp de base à Antelope Canyon Navajo Tour, l’agence que nous avons choisie pour découvrir Upper Antelope Canyon. Nous avions réservé un tour pour 11h00 et il est 10h00 lorsque nous nous présentons au guichet pour valider notre participation. Cette fois-ci, il faut payer sur place et c’est une cinquantaine de dollars que l’on doit débourser par personne. Nous patientons sous un petit abri en attendant l’heure dite.

Finalement, il est 10h40 lorsque nous sommes appelés pour nous voir confier au second guide de la journée, surnommé Bear (l’ours). Au vue de son physique imposant, le sobriquet n’est pas usurpé. Nous embarquons dans un pick up d’un bleu pétant à la benne aménagée de banc et d’un part soleil. Rapidement, le puissant moteur vrombit et nous voilà filant à toute vitesse dans un lit de rivière asséché – un wash – entouré d’une horde fantastique de véhicule. Chacun trace sa route anarchiquement dans le sable, ça sautille, ça ballotte, une vraie équipée sauvage un peu tape cul.

Hey Cendrillon ramènes ta citrouille et mates le carrosse.

La chevauchée fantastique.

Au bout d’un quart d’heure, nous apercevons enfin l’entrée du canyon. Il n’est pas nécessaire ici de descendre des escaliers, l’entrée est à niveau et c’est plutôt une colline traversée d’une faille sombre qui se dresse devant nous. Nous entrons et sommes immédiatement saisi par … la foule !

L’ouest hors des sentiers battus.

Bon, il faut avouer que nous avons choisi l’horaire le plus populaire pour visiter le canyon. L’heure, où, le soleil au zénith, s’engouffre en ligne droite dans le canyon pour venir frapper le sol dans des halos lumineux. La chorégraphie est bien rodée et chaque groupe se voit accorder quelques secondes devant le phénomène. Il faut néanmoins un peu jouer des coudes et notre guide au physique de déménageur fait miracle dans ses instants. Armés d’une petite pelle, il projette un peu de sable dans l’air ambiant pour accentuer le spot de lumière. Ça casse un peu le mythe !

Upper Antelope Canyon, ou Tsé bighánílíní en langue navajo, est plus étroit que le Lower. Par conséquent, on avance vraiment à la queue leu leu. La foule est présente assez continuellement et on a moins de liberté que précédemment. Heureusement, il suffit de lever un peu les yeux pour se plonger dans les merveilles rocheuses. C’est assez dur à percevoir mais les parois semblent moins hautes. Par contre, la couleur est plus subtile que dans notre première visite, les courbes plus féminines. Bear nous indique un bel angle pour observer l’illusion d’un coucher de soleil.

Dernier détail sur la visite : si ce matin nous avons parcouru le canyon en aller simple, dans Upper Antelope Canyon, nous effectuons un aller-retour. Cela a un impact non négligeable sur la densité des touristes. La parade trouvée par les différentes boites gérant les visites, c’est que le retour se fait d’une traite, sans avoir le droit de s’arrêter pour les photos. Avec les guides qui veillent au grain (de sable) ! Si on ajoute les tours spéciales photographes, qui privatisent complètement pour un moment des tronçons, on traverse durant les visites dans un joyeux bordel organisé.

Face à face sous tension.

 

Au bout d’une quarantaine de minutes, nous sortons du canyon quelques instants. On s’extrait de l’étroite faille qui découpe la falaise. Nous passerons une dizaine de minutes sous le soleil avant de nous réengager dans Antelope Canyon, suivant encore une fois Bear le chef de meute.

Toute sortie est définitive.

Juste avant de rejoindre l’entrée, notre groupe est coupé en deux par un des tours photographiques. On se retrouve donc dans une sorte de petite salle seule à 3 (Hélène, son papa et moi) avec le guide. On peut donc aussi mitrailler les fameux rayons de soleil en toute intimité. Bear joue de la pelle pour propulser un peu de poussière dans l’air et les accentuer. Une petite séance intime des plus réjouissantes avant de ré-enfourcher notre 4*4 pour le retour vers la voiture !

Un peu de sable pour la route.

Un peu de sable sur la route.

Mon récit laisse vraisemblablement suinté un avis mitigé sur les deux canyons. Evidemment, les lieux sont magnifiques, constitués d’une roche et de lumière irréelle. Au milieu du désert, on entre vraiment dans une parenthèse souterraine des plus enchantées.

En tant que touristes nous-même, c’est assez délicat de critiquer les autres qui souhaitent aussi parcourir les lieux. De même, les compagnies qui s’occupent des visites font de leur mieux pour mitiger le flux des curieux. Il n’en reste pas moins que la foule peut rebuter et même gâcher en partie l’expérience.

D’un point de vue plus personnel, il m’a manqué le petit goût d’aventure que j’aime ressentir dans l’Ouest (mais le lendemain va combler mes attentes sur ce point). En tant que non photographe, j’ai parfois trouvé les visites un peu répétitives. Néanmoins, c’est quand même une expérience à faire.

Enfin, quand à choisir entre Lower et Upper Antelope Canyon, chacun à ses qualités. Le fait que le premier soit un aller simple rend la visite un peu plus agréable et aérée. La sculpture naturelle de la tête d’indiens cheveux au vent est magnifique. Mais je crois qu’à condition de le visiter à la bonne heure et avec du soleil, c’est Upper Antelope qui remporte mon suffrage par le côté irréel des rayons de soleil qui viennent frapper le sable tapissant le canyon. Peu importe, je vous encourage quand même à vous faire votre propre idée sur la question.

Après cette incursion au cœur de la terre, nous allons changer d’élément pour le déjeuner. C’est au bord de l’eau du Lake Powell que nous allons recharger les batteries. Sans vous écrire la notice hagiographique du lac (qui est quand même vachement moins beau que le lac d’Annecy), je vais quand même vous toucher quelques mots. Crée en 1963 par la construction du barrage du Glen Canyon, cet immense lac artificiel de plus de 658 km² est alimenté par les eaux du Colorado. C’est d’ailleurs en l’honneur du premier blanc à avoir descendu le fleuve, le major John Powell. Nous entrons dans la Glen Canyon National Recreation Area juste après la traversée du barrage. On en profite pour effectuer quelques clichés du lac.

ATTENTION BLAGUES ANNECIENNES EN APPROCHE.

Le Pont des amours.

La baie d’Angon

La Tournette depuis le Paquier.

Une aire de pic-nic avec un abri nous permet de profiter d’un repas bien mérité sous une ombre salvatrice. Le soleil tape vraiment fort et le mercure monte en flèche. Aux bords du lac, une végétation survit grâce à l’humidité et attire des centaines de papillons monarques !

Le Libellule.

Ce n’est pas tout ça mais toute cette eau, ça donne envie. Nous nous dirigeons vers la plage de Lone Rock Beach. Arrivé au bout de la route, une myriade de piste en sable mène jusqu’au rivage. On en choisit une qui n’a pas l’air trop périlleuse avant de garer notre voiture à quelques mètres de l’eau. Nous ne sommes pas les seuls à faire cela. Les pickups sont placés en rang d’oignons, des tentes sont dressés, chacun se fait sa petite plage privé. Juste en face de nous, les parois lisses d’un immense rocher – le fameux Lone Rock – émerge des eaux bleues du lac. Quel plaisir de contempler ces paysages les fesses au frais !

La plage d’Albigny.

On voit le plongeoir de l’Impérial derrière moi.

Roc de Chere.

Voitures pratiquement dans le lac aux Marquisats.

Château de Duingt.

Il est où Clément ? (ah merde ce n’est pas le bon lac haut savoyard)

Bref c’est joli mais ça ne vaut pas le lac d’Annecy.

Un petit coup de serviette et nous roulons vers un point de vue situé un peu plus loin sur le Colorado. Pas n’importe lequel, la plus célèbre vue sur le fleuve, Horseshoe Bend. Après une marche d’une vingtaine de minutes dans le sable, nous arrivons le long des falaises non protégées qui surplombe le méandre grandiose. La couleur de l’eau est magnifique, le soleil légèrement de côté fait scintiller les flôts. Les gens ne s’y trompent pas et ici aussi il y a foule. Il faut dire que les lieux semblent un passage obligé des bus des tours organisés. Les gens prennent des risques plus ou moins considérés pour faire le cliché parfait. Maman, n’ait pas peur, on est resté bien loin du bord !

Vue en plongée.

Vue en contre plongée.

Rivet du fer à cheval.

Notre dernier arrêt à Page se trouve à la sortie de la ville en direction de Kanab, sur la route du retour. C’est Wahweap Overlook. Ce point de vue situé sur une petite mesa permet de surplomber le lac et de se rendre compte de son étendue, s’insinuant au cœur des canyons. Même de cette distance, on distingue les différentes couleurs des roches bordant le lac, marquant les différents niveaux qu’a eu l’eau au cours du temps. On constate par exemple qu’actuellement la quantité d’eau est clairement moindre. Un vent terrible balaie le plateau pendant que l’on admire, seuls cette fois-ci, le paysage lacustre. L’arrêt va s’avérer d’autant plus fructueux que les vents vont faire virevolter devant nous un billet de 20 dollars provenant d’on ne sait trop où. Légère et agile comme un pronghorn, Mathilde s’offre une course de son pas svelte pour se saisir du butin. On sait comment on paiera nos bières ce soir.

Alors que nous nous en retournons vers nos pénates, le long de la route 89, un départ de randonnée nous fait de l’œil. Vu que je l’ai inscrit sur mon roadbook en solution de repli, on choisit de prolonger un petit peu cette journée bien remplie en s’arrêtant à Toadstool Hoodoos. Pendant une vingtaine de minutes, nous allons parcourir un wash de sable beige. Quelques rochers aux formes extravagantes donnent une belle idée de ce qui nous attend.

Le monstre du Loch Ness.

Nous arrivons sur le site proprement dire pour découvrir de belles cheminées de fées. Les pierres sommitales sont énormes dans la plupart des cas. On dirait vraiment un champ de champignon, les couleurs marrons des couvres chefs me font d’ailleurs identifier de beaux cèpes. La rare végétation et les petites falaises environnantes mettent en avant ces piliers incongrus.

Toadstools Hoodoos.

Arrêtes de faire ton malin Clément !

La zone à explorer semble assez étendu et nous n’en effleurons qu’une petite partie, pressés par un ciel menaçant qui nous poussera – cette fois-ci pour de bon – vers notre barbecue quotidien  à Kanab.

Poêlée de champignon au menu ce soir.

Des beaux beaux laids.

 

3 réflexions sur “Trip à Kanab(bis) : Se mettre à la Page

  1. Quelle belle journée. Nous aurions dû faire ces visites…et je me rends compte à quel point Bob avait raison de penser que nous allions être déçu de Upper antilope par rapport à notre visite datant d’il y a plus de 20 ans …visite faite en toute liberté avec seulement une vingtaine de personnes …. merci pour ce partage qui me fait un peu rêver.

    • Merci Joelle. On espère que ces quelques images te permettent de t’évader un peu dans ces moments compliqués. Merci de ta fidélité à notre blog et courage. Pensées. H&F

  2. Mon choix se porte plus sur Lower Antelope Canyon, On est beaucoup plus tranquille pour la visite, du fait de l’aller simple. Et puis on descend vraiment dans une faille et la sortie est vraiment sympa (voir la photo de Floran sortant de terre)

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